Transfiguration

 

Je me suis levé

je suis debout dans le soleil et je marche

je marche à la vie à la lutte à la victoire

me voici prêt à vivre désormais comme il convient

à un homme sain et fier et modeste

comme il convient à un pauvre nègre qui a beaucoup

souffert non pas désolé mais consolé non pas déserté

mais délesté de tout ce qui comprime qui alourdit l’esprit

le cœur le corps et j’ai tout oublié sauf les minutes heureuses

 

sauf les minutes de l’espérance et du courage j’ai tout oublié

de mes souffrances sauf ma vendange et ma moisson non pas résigné

mais désigné pour cette conquête que je veux belle pour cet amour

que je veux grand sans faux pas comme sans faiblesse sans pitié

 

comme sans remords sans regret et sans honte et sans mensonges

je me suis lavé de toute la vie et le monde ruisselle sur moi

et je sens dans ma chair neuve le frémissement du vent la chaleur

même du soleil la lune éclaire mes rêves de son abat-jour nostalgique

 

et je bois aux mamelles de l’azur l’air pur de l’allégresse

 

ô raison plus grande de l’univers toi qui es en moi autour de moi

au-dessus de moi en dessous de moi toi qui me préserves de toute folie

 

et de toute souillure et de toute défaillance soutiens-moi

 

toujours dans cette violence et dans cette paix tranquille et douce

et donne-moi enfin cet équilibre serein si proche du pur bonheur

ô toi raison ma sévère sagesse guide-moi sans relâche vers la beauté

du jour plus magnifique chaque instant œil de lumière où se nourrit

 

le feu aussi limpide et clair que la source apaisante où je me désaltère

à bouche assoiffée.

Référence bibliographique

Georges Desportes, « Transfiguration », Sous l’œil fixe du soleil, Paris, Debresse, 1961.

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